Renseigner les Alliés
Soustitre
Une internationale du secret
Avoir le maximum d’informations sur la machine de guerre nazie en Europe est la condition de la victoire. Dans la nuit de la clandestinité, les langages se cryptent et les nationalités deviennent floues.
Par patriotisme, certains résistants se mettent à collecter des renseignements sur les troupes, les armes et les emprises allemandes pour les services secrets étrangers qui agissent en France sous l’égide des Alliés (notamment le Special Operations Executive britannique).
Parallèlement, des étrangers vivant en France mettent leurs compétences et leur courage au service du Bureau Central de Renseignement et d’Action, les services spéciaux de la France libre.
Cette guerre sans arme ni uniforme, où les périls et les menaces sont nombreux et permanents (l’espérance de vie d’un opérateur radio n’est que de six mois), fait tomber les barrières de genre. De nombreuses femmes deviennent des combattantes à part entière dans cette lutte, exerçant même pour certaines des fonctions de commandement, quitte parfois à payer de leur vie leur engagement.
Décembre 1943
Samuel Beckett est contraint de se cacher suite à la liquidation du réseau Gloria
« Homme d’un grand courage, a montré pendant deux années des qualités d’informateur dans un important réseau de renseignements. A mené sa tâche jusqu’à l’extrême limite de l’audace. Traqué par les Allemands, a dû mener une vie clandestine difficile. »
Citation accompagnant l’attribution de la croix de guerre 1939-1945 par le général de Gaulle à Samuel Beckett le 30 mars 1945.
Avant de devenir un dramaturge célèbre, Samuel Beckett (1906-1989) est une des figures de premier plan des Irlandais immigrés en France qui ont précocement choisi de se battre pour libérer leur pays d’accueil. Dès 1941, le jeune romancier renonce à toute publication pour devenir le sergent-chef « Samson », une des figures du réseau « Gloria SMH », une organisation clandestine spécialisée dans le renseignement naval et maritime qui regroupe plusieurs grands noms d'artistes.
Sous prétexte de traduire ses propres romans, Beckett traduit puis transcrit de précieux rapports de renseignements sur les mouvements des navires de guerre allemands entre les ports français de la Manche, de l’Atlantique et de la Méditerranée ; ces informations transmises à Londres permettent ainsi à la Royal Air Force de mener contre eux des raids aériens.
A partir de 1942, le réseau est infiltré par les Allemands et les arrestations se multiplient. Poursuivis par les nazis et la police de Vichy, Samuel Beckett et son épouse Suzanne partent se réfugier à Roussillon (Vaucluse), chez l’écrivaine Nathalie Sarraute.
Signature extraite du dossier SHD GR 16 P 42711
30 mars 1944
Jacques Trolley de Prévaux et Lotka Leitner refusent de parler sous la torture et de livrer les adresses de leur réseau franco-polonais
Le couple que forme Jacques Trolley de Prévaux (1888-1944) et Lotka Leitner (1907-1944) est un défi lancé à la face des préjugés et des pesanteurs sociales.
Le brillant aristocrate, valeureux officier de marine entre 1914 et 1918, figure montante de l’aéronavale, cumulant commandements prometteurs et postes prestigieux n’aurait jamais dû croiser la route de la jeune new-yorkaise, née dans une famille d’immigrés polonais qui ont été contraints dans les années 1900 de fuir la pauvreté et l’antisémitisme dans leur pays d’origine. Pourtant, c’est pour cette jeune mannequin désargentée que le commandant du croiseur Duguay-Trouin, rompt avec son milieu conservateur et catholique intransigeant et l’épouse en 1940. Cette union suscité la réprobation de tous ses camarades officiers de marine.
Immobilisé sur son navire à Alexandrie (Egypte) suite à la défaite de juin 1940, Jacques Trolley de Préveaux rejoint Toulon en novembre 1940. Un an plus tard, sous les pseudonymes de Vox et Kalo, Jacques et Lotka Trolley de Prévaux deviennent informateurs pour le réseau de résistance franco-polonais F1 qui espionne notamment la Kriegsmarine et le dispositif allemand sur le littoral méditerranéen. Prenant en avril 1943 la tête du sous-réseau Anne (qui couvre les secteurs de Toulon, Nice et Marseille), les renseignements récoltés par l’organisation de Jacques et Lotka Trolley de Prévaux sont très précieux pour les Alliés qui préparent l’opération Anvil-Dragoon (le débarquement dans le Sud de la France). L’intensification de l’activité du réseau le rend aussi plus vulnérable. Le 29 mars 1944, le couple de résistants est reconnu et arrêté à Marseille. Torturés, transférés à Lyon, Jacques Trolley de Prévaux et Lotka Leitner meurent fusillés dans la forêt de Bron (Rhône), la main dans la main, quatre jours après que les Alliés aient débarqué en Provence.
30 avril 1944
Violette Szabo revient à Londres avec de précieux renseignements sur les positions allemandes entre Paris et Rouen
Violette Szabo (1921-1945) est une jeune veuve. Quand elle apprend qu’Etienne Szabo qu’elle a épousé le 21 août 1940 est mort le 24 octobre 1942 au cours des combats que mène la 13e demi-brigade de Légion Etrangère dans le désert libyen, la franco-britannique décide d’abandonner son poste dans une batterie antiaérienne à Londres pour, en juillet 1943, rejoindre en tant qu’agente la section F du SOE afin de combattre de l’ennemi nazi au plus près.
Alors que les Alliés préparent l’opération Overlord (le débarquement en Normandie), son parfait bilinguisme et son dynamisme la conduit à faire partie des agents envoyés en France occupée récupérer des renseignements sur les défenses allemandes. Parachutée dans la vallée de la Seine, son efficacité fait merveille : elle recueille des informations sur toutes les installations allemandes entre Paris et Rouen et les ramène à Londres.
Souhaitant rééditer un tel succès, le SOE lui confie une seconde mission en la parachutant dans le Limousin. Celle-ci tourne au fiasco. Son groupe est pris dans une embuscade lors d'une mission de liaison dans les environs de Limoges. Capturée le 11 juin 1944, torturée à Paris, elle est déportée en Allemagne où elle meurt à Ravensbrück au début de l’année 1945 après avoir été transférée de camps en camps.
Violette Szabo, 1944 (Domaine public).
26 mai 1944
Josiane Somers termine sa formation de parachutiste et de radio avant d’être parachutée en France
Si des jeunes franco-britanniques font le choix de combattre sous l’égide du SOE, d’autres font le choix de servir en uniforme à Croix de Lorraine.
Refusant la défaite, c’est avec sa mère Marcelle et son frère aîné Claude que Josiane rejoint le Royaume-Uni. Alors que Claude argue de sa citoyenneté britannique pour rejoindre la Royal Air Force, Marcelle et Josiane s’engagent quant à elles dans le corps des volontaires féminines de la France Libre.
Originellement secrétaire, son talent pour décrypter les messages et déchiffrer les transmissions à Carlton Gardens la fait repérer par le BCRA pour lequel sa mère Marcelle travaille à partir de février 1944.
Plus jeune agente envoyée en France sur l’autorisation spéciale du colonel Passy, Josiane Somers est brifée par Daniel Cordier, compagnon de la Libération et ancien radio de Jean Moulin en France occupée. Elle est parachutée dans la région du Blanc (Indre) le 6 juillet 1944 . Elle rejoint l’Aquitaine pour assurer les transmissions de Claude Gros, l'officier des opérations de la zone B2 qui couvre les actuels départements Charente-Maritime, Dordogne, Gironde, Landes, Pyrénées-Atlantiques. Le mois de juillet 1944 y est marqué par de durs combats et une intense répression.