Sur les différents théâtres d’opération du conflit
Sous-titre
Montrer au monde une France au combat
Sortir de la France occupée est le défi relevé par celles et ceux qui veulent suivre le général de Gaulle dans son refus de la défaite. Depuis l’Empire colonial français comme depuis les théâtres d’opération étrangers, le but d’une autorité politique et militaire française en exil, aux côtés des Alliés, est de montrer à ces derniers que ce n’est plus la France défaite et humiliée de 1940 qui reprend les armes.
C’est dans cette perspective qu’est créé en juin 1943 à Alger le Comité Français de Libération Nationale (CFLN), faisant suite à la fusion, sous la pression des Britanniques et des Américains, entre la France combattante dirigée par le général de Gaulle depuis juin 1940 et les structures politiques, militaires et coloniales d’Afrique du Nord demeurées fidèles à Vichy jusqu’en novembre 1942.
En prenant la tête de ce Comité, le général de Gaulle poursuit sa quête de crédibilité politique, militaire et diplomatique pour préparer la libération de la métropole et rompre l’exil. La mobilisation intense des hommes et des ressources dans les territoires de l’Empire colonial français et la nécessité de mettre les unités françaises au niveau des Anglo-américains en termes d’organisations, d’équipements et d’armements sont guidées par un même objectif : assurer une présence non plus symbolique mais massive de troupes françaises dans les opérations militaires en Europe de l’Ouest.
C’est ainsi qu’un corps expéditionnaire de 110 000 hommes est envoyé aux côtés des Alliés combattre en Italie.
Mugnano, l’artillerie du 7e régiment de tirailleurs algériens, 1944, dessin de Roger Jouanneau-Irriéra SHD, GR 2 K 268 5 70
Si les succès militaires français sont essentiels dans cette quête de crédibilité et de légitimité, s’opère depuis l’Afrique du Nord une reconstruction morale. L'Assemblée consultative provisoire, créée par l’ordonnance du 17 septembre 1943, représente les mouvements résistants, les partis politiques et les territoires coloniaux. Ses membres travaillent à remettre en place le retour de la démocratie et la réinstallation de la République.
Mai 1944
Le régiment de chasse Normandie, tout juste réorganisé, est de nouveau engagé sur le front de l’Est aux côtés des Soviétiques
Constitué au Liban en 1942, le groupe de chasse Normandie des Forces Aériennes Françaises Libres rejoint Ivanovo à 250 km au nord-est de Moscou, est équipé d’appareils soviétiques Yak 1 avant d’être engagé dans une première campagne de mars à octobre 1943. Ces 60 pilotes et mécaniciens français ne sont qu’un modeste apport au regard des milliers d’hommes et d’avions qui constituent les forces aériennes de l’Armée Rouge. Les 70 victoires qu’ils remportent durant cette première campagne ont une importance politique et diplomatique : ces pilotes et ces mécaniciens symbolisent la présence de la France sur le front de l’Est, théâtre d’opérations où le taux de pertes est parmi les plus élevés du second conflit mondial. Le groupe de chasse Normandie est très directement confronté à cette omniprésence de la mort : au terme de l’année 1943, un tiers de ses effectifs n’est plus en état de combattre (morts, prisonniers, disparus et blessés).
Le régiment de chasse Normandie qui participe à l’offensive soviétique en Biélorussie de mai 1944 a été profondément renouvelé. Cinquante-deux nouveaux pilotes sont arrivés d’Afrique du Nord, les Yak 3 et les Yak 9 ont remplacé les rustiques Yak 1, quatre escadrilles (Cherbourg, Caen, Rouen, Le Havre) ont été constituées. La conduite au feu de ses pilotes lors du franchissement du fleuve Niémen lui vaut par prikaz (ordonnance spéciale du commandement suprême) signé de Staline de prendre le nom de Normandie-Niémen.
Les hommes de Normandie-Niémen combattent jusqu’à Berlin en mai 1945. Après plus de 5 000 sorties et 869 combats, le régiment "Normandie-Niémen" totalise 273 victoires homologuées, 37 probables. Quarante-six pilotes sont morts ou disparus sur les quelque cent qui ont successivement fait partie de ses rangs. Cité onze fois, le "Normandie-Niémen" a été décoré de la Légion d'honneur, de la Croix de la Libération, de la Médaille militaire, de la Croix de guerre avec six palmes, ainsi que des ordres soviétiques du Drapeau rouge et d'Alexandre Nevski.
Pour aller plus loin
Article RHA de Claude d’Abzac « Raconter le Normandie-Niémen 1942-2022 : de l’épopée à l’histoire
23 mai 1944
Joséphine Baker s’engage dans les formations féminines de l’Air. Elle devient « officier de propagande ».
Le 23 mai 1944, l’artiste franco-américaine Joséphine Baker sort de l’ombre.
« Honorable correspondant » pour les services secrets français dès 1939, elle refuse la défaite et protège d’autres agents de renseignements à la faveur de ses tournées. Cette vie tiraillée entre clandestinité et célébrité la conduit à mettre sa santé en péril et à partir en convalescence en Afrique du Nord jusqu’au 23 mai 1944.
Celle qui veut être une combattante qui chante se dévoile aux photographes et aux caméramen en uniforme aux côtés de ses camarades des Formations Féminines de l’Air : elle s’engage à Alger le 23 mai 1944 en qualité d’« élève stagiaire rédactrice de 1ère classe, 1er échelon (officier de propagande)». Son activité consiste surtout à organiser des spectacles et des galas dans tout le bassin méditerranéen.
Son action ne consiste pas uniquement à se produire devant les soldats alliés qui s’y trouvent : ses concerts et ses galas servent aussi à récolter des fonds pour le Comité Français de Libération Nationale (elle parvient à rapporter plus de 10 millions de francs de l’époque soit 2,5 millions d’euros).
La célébrité de Joséphine Baker est un atout pour les autorités françaises en exil. Etant une des rares figures de la chanson à ne pas s’être commise avec l’occupant, elle devient le visage le plus médiatique de cette France démocratique en gestation.
Alors que les combats de la Libération font rage, Joséphine Baker continue ses concerts dans les zones de guerre. Elle chante au milieu des ruines et des mines, puis devant les prisonniers et les déportés.
Pour aller plus loin
Article RHA de Géraud Létang et Marion Soutet sur l’expérience combattante de Joséphine Baker